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L’architecture française. I: L’architecture religieuse

avec Vsévolod Jaroff

Ce n’est pas par hasard que Victor Hugo attribuait une énorme importance au patrimoine architectural et se prononçait pour le sauvegarder : l’architecture est un livre permettant de voir les idées qui fermentent dans les esprits. Les maisons, les cathédrales, les églises, les châteaux restent de silencieux témoins : ils reflètent le temps et les événements. Car l’architecture est le seul art à avoir une application pratique dans la vie, elle réagit tout de suite aux besoins immédiats.

C’est l’architecture religieuse qui apparaît au premier abord dans n’importe quelle communauté et définit l’aspect visuel du pays. En « feuilletant » ce majestueux manuel en pierre sur le territoire français, nous comprendrons mieux, peut-être, la mutation du catholicisme dans ce pays aux allures iconoclastes.

Avant l’apparition de l’architecture française proprement dite, le territoire était couvert de ce qui est maintenant les vestiges des temples et sanctuaires mystiques et sombres que les druides consacraient à leurs dieux, dans le Nord et surtout en Bretagne, et les temples beaucoup plus vifs que les Romains ont laissés dans le Sud, surtout dans les régions des actuels Marseille, Nice, Toulouse, Carcassonne et Grenoble.

L’architecture religieuse pertinemment française prend sa source à l’époque du roi Clovis le Mérovingien (481-511) qui, ayant battu à plate couture les tribus alémaniques, étend sa domination sur la quasi-totalité du Nord de la France actuelle. Cette domination pose la première pierre de l’union entre les Francs et le christianisme occidental. C’était en grande partie grâce au fait que les Francs estimaient la civilisation ancienne et ne rompaient pas leurs relations avec elle. L’architecture des Francs sert de pont entre l’Antiquité et la nouvelle civilisation européenne.

L’austérité du style dominant à cette époque est expliquée par la philosophie théologique qui pénétrait tous les côtés de la vie. Les édifices religieux sont pesants, fermés et massifs. Une certaine ignorance scientifique dans le domaine architectural apparaissait souvent.

Pourtant, les progrès économiques et culturels ont provoqué la formation du style roman. Dans une grande mesure, il se manifestait dans les bâtiments religieux qui en ce temps-là avaient une structure assez simple. On ignorait les coupoles et les clochers ; pour la construction, on n’utilisait que la pierre brute. Avec un comble à deux pentes, une entrée se trouvant du côté de la maison, et une abside du côté opposé, les grandes églises étaient aménagées d’après le type des basiliques romaines, avec deux rangées longitudinales de colonnes.

L’espace intérieur et l’aspect extérieur se mariaient très bien dans leur style étant caractérisés par une clarté de l’architectonique. Les deux tourelles sur les deux côtés de l’entrée étaient directement venues de Syrie. A l’intérieur, les nefs latérales et l’espace principal étaient séparés par deux rangs de colonnes, sur lesquels reposaient les arcs portant les murs avec les baies de fenêtres. Au fur et à mesure que la maîtrise des architectes européens croissait, on voyait les premières tentatives de bâtir les voûtes en pierre. Les sculptures opulentes dans les églises et cathédrales catholiques ont subi l’influence de la culture populaire qui était enracinée, comme il est logique de présupposer, dans les cultes païens.

Mais dans son ensemble, l’architecture romane est une très brillante page dans l’architecture française. Elle saisit d’emblée par sa puissance et, pour ainsi dire, par sa brutalité. C’est un mélange de l’Est et de l’Ouest, de l’ascétisme et du libertinage, du christianisme et du paganisme.

Ce qui excite l’imagination des gens même de nos jours, c’est le style gothique qui était surnommé ainsi par les architectes italiens. La cathédrale gothique est caractérisée par un encombrement des différentes parties, une asymétrie, un décor baroque et un espace intérieur fermé de tous les côtés. Les symboles et les allégories sont les traits distinctifs des églises gothiques.

La cathédrale gothique (Notre-Dame de Paris, de Chartres ou d’Amiens) est la synthèse la plus pure de l’architecture, sculpture et peinture. Les dimensions, quelques mille fois plus grandes que l’homme, les rayonnements des vitraux, la décoration sculpturale exerçaient une pression émotionnelle et psychologique sur les croyants. Il ne faut pas non plus sous-estimer son rôle urbain : ce n’était plus un endroit pour exclusivement prier Dieu, c’était là où, à partir du Moyen Age, se concentrait la vie de la ville en pleine évolution, c’était là qu’on définissait le lendemain.

Les églises du classicisme sont plutôt éclectiques qu’originaux, surtout en France où on trouve tous les éléments pêle-mêle : les arcs demi-circulaires de la Rome Antique et les ornements lourds à la Florentine. C’est surtout manifeste dans deux églises parisiennes très étranges : Saint-Eustache et Saint-Etienne du Mont. Sur cette vague d’imitations, on voit apparaître un style, appelé plus tard « jésuite » (Charles Lemercier, François Mansard, Pierre Lemuet). Le style n’est ni simple, ni logique, mais abondant en fioritures excessives.

Au XXe siècle, l’espace sacré n’est plus enserré dans une tradition. On opte pour les puits de lumière (par exemple, Saint-Paul-des-Nations) qui éclairent l’autel (éclairage zénithal). La structure de l’église est conçue pour tendre les regards vers l’autel au moyen du toit pentu ou des jeux de lumière.

L’évolution urbaine oblige aussi les églises à mieux s’intégrer dans la ville. L’urbanisme contraint l’architecture religieuse de plus en plus : réglementations, taille des terrains (Notre-Dame de la Pentecôte à La Défense est construite au-dessus de voies de communication). Aussi le principe de réalisme joue-t-il un rôle majeur, et contraint-il parfois à renoncer aux traditions comme celles de l’orientation vers l’Est.

Au contraire, pour certains architectes, l’église doit avant tout s’intégrer dans le quartier, le narthex est conçu comme un lieu de réunion publique. Un exemple de cette intégration à la ville confinant parfois à l’effacement est l’église Saint-Luc de Grenoble, intégrée dans un immeuble d’habitation, ou Notre-Dame de Créteil, basse et tellement discrète qu’il a fallu ajouter une croix pour marquer sa présence.

Le besoin de rendre un culte à Dieu est inhérent à l’homme, comme le montre l’histoire de la construction des édifices religieux dont les styles architecturaux n’ont pas disparu, comme cela a pu se produire pour d’autres types de bâtiments, mais se sont transformés au cours des deux derniers millénaires.

13 November 2005. – Nizhny Novgorod — Dzerzhinsk (Russia)