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Un nom

monologue impersonnel

J’écris ton nom.

(P. Eluard Liberté)

Il existe quelque chose d’élégiaque dans ton nom si familier, il existe quelque chose d’implicite dans ton nom : je suis sûr qu’il y a quelque chose que je n’ose prononcer. Il existe quelque sorte de lumière déliée et magnétique qui me fossilise, qui me martyrise jusqu’au fond : c’est ton nom. C’est un nom illicite, c’est un nom idéal, c’est un nom dont je suis idolâtre, nom pareil à un frais calisson, pareil à un magnolia de Californie en avril. Quelle est cette délicatesse illogique et amicale, quelle est cette musique intelligente et sublime qui se cache derrière ton nom insaisissable, pourtant si câlin et calmant ?

Lapide-moi, empoisonne-moi d’acide cyanique, mais ma lyre insoumise et altière va lyrer son languissant soliloque ionien dont la seule inspiration sera ton nom limpide. Je vais chanter ma cantilène douloureuse aux sons de ton nom. Oui ! je vais cueillir des milliers de lilas, des millions de camélias illuminés par la lune tranquille pour diminuer la souffrance de l’âme que tu humiliasses…

Y a-t-il quelque chose de plus melliflu que le son militaire de ton nom ? Quelle est cette fatalité divine et fragile qui me lia à jamais à ton nom sans limites ni frontières ? Où est cette idée primordiale, où est cette idée initiale, écrite d’une manière illisible dans le ciel, qui jeta ton nom apostolique dans le monde des mortels ? Dieu ! donne-moi le langage allégorique de Homer : et j’écrirai ma propre Iliade amère… Aveugle, j’irai la chanter dans les villages et les villes clignotant sur le visage limoneux de l’Univers…

Avant de terminer mon chemin sur cette terre maudite par les idiots, avant de descendre dans le soufre bouillant de l’enfer, je vais lire sans moindre gêne mes vers interdits. Soit ! je ne quitterai pas la planète sans ce nom indicible sur mes lèvres : sans ton nom.

4 May 2003. – Nizhny Novgorod