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François Ozon

Aujourd’hui, les uns affirment que l’ère du cinéma est finie, car la réalité virtuelle de l’Internet chasse entièrement les arts comme phénomène (comme l’affirme Frédéric Beigbeder), les autres y voient une crise naturelle, à laquelle sont subis régulièrement tous les domaines artistiques (selon Youri Lotman). François Ozon, malgré toutes les crises, peut être considéré comme un des plus raffinés réalisateurs de notre époque. Très souvent envisagé comme appartenant au cinéma dit alternatif, cinéma d’auteur, il ne l’est pas tout à fait.

Il est né à Paris en 1967 et a fait sa maîtrise en études cinématographiques à l’Université Paris I. Ses premiers essais ont été ignorés de la critique, pourtant il a continué à développer son idiome en tournant de nombreux films en super-8, vidéo, 16 mm et 35 mm.

Ayant commencé sa carrière comme réalisateur de courts métrages (dont plusieurs ont été sélectionnés aux festivals internationaux), il demeure inconnu non seulement du large public mais aussi des professionnels du cinéma avant l’apparition de ses premiers courts métrages originaux Action Vérité et Une robe d’été (prix « Léopard de Demain » au festival du film de Locarno, 1996). Plusieurs années ont dû passer avant que le réalisateur mûrisse pour se consacrer définitivement aux films long métrage, dont le premier, Sitcom, est présenté au festival de Cannes en 1998.

Depuis, les réalisations suivent l’une après l’autre presque chaque année : Les Amants Criminels (1998), Sous le sable (2000), Huit femmes (2001), Swimming Pool (2003), Cinq Fois Deux (2004), Le Temps Qui Reste (2005).

Très difficile de dire si ses films sont en rupture ou bien dans le prolongement des traditions. Il est plutôt, comme tout représentant du postmodernisme, synthétiseur des éléments ludiques et sérieux, adepte de la citation éternelle, explorateur du côté criminel des humains (peut-être, pour cette raison choisit-il des sujets à base policière) et de la psychologie féminine (sorte de gender studies sous forme cinématographique).

Huit femmes

L’effet d’inattendu et le paradoxe de la pièce de Robert Thomas brillamment portés sur l’écran. Ce film est un cas rarissime de comédie musicale, un genre caractéristique de la tradition russe, mais pas très répandu à l’Ouest. La musique originale de Krishna Lévy est d’autant plus extraordinaire si l’on prend en considération que de nos jours, pour diminuer les frais de production, on ne se fatigue plus de faire jouer un vrai orchestre. Les huit femmes interprètent une chanson chacune, avec le timbre du piano mis en avant pour donner les caractéristiques.

Ozon, tout en explorant les nouvelles approches psychologiques, reste fidèle à la tradition européenne : le symbolisme est déclaré déjà dans les génériques, où les noms des actrices sont juxtaposés contre certaines fleurs (par exemple, Catherine Deneuve – orchidée, Isabelle Huppert – épine rouge, Firmine Richard – tournesol). Ces couleurs servent de base pour les costumes luxueux que Pascaline Chavanne a fabriqués pour le tournage.

Les éléments du décor, à même la lampe sur le rebord de la fenêtre, servent non seulement pour mieux particulariser l’action, mais aussi pour servir de fond caractéristique de chacune des femmes, si une d’elles paraît pour quelques instants comme principale : ainsi est-il quand Gaby (Catherine Deveuve) chante sa chanson Tu n’es qu’un homme ou quand Pierrette (Fanny Ardant) apparaît sur le fond rouge foncé (comme la rose rouge qui lui correspond), cigarette à la main.

Quoique l’importance de toutes les femmes dans l’action ne soit pas la même, Ozon réussit à les exposer toutes dans leurs transformations imprévues (comme, par exemple, Augustine (Isabelle Huppert) et Louise (Emmanuelle Béart) qui, étant au commencement assez laides et peu attrayantes, se transforment vers la fin en des beautés divine et diabolique).

Swimming Pool

Film de coopération franco-anglaise continuant les traditions du nouveau cinéma européen où les langues sont mélangées et où chacun parle ou pense dans son propre idiome, c’est-à-dire comment il/elle parlerait dans sa vie quotidienne, ce qu’on pourrait nommer naturalisme linguistique (comme chez Wim Wenders In weiter Ferne, so nah! où six langues s’entremêlent organiquement).

Ozon, adorant les études de l’âme féminine, ne rate pas l’occasion de le faire encore une fois. Pour le conflit est choisie l’opposition si aimée en France : une Anglaise collet monté, écrivaine en pleine crise créative, fait connaissance avec une jeune Française dégagée, Julie, avec qui se produit, au premier abord, un conflit aigu, mais ensuite, une amitié demi-criminelle.

L’érotisme, tantôt subtil, tantôt ouvert, sert de base pour l’avancement de l’action (la sublimation freudienne remonte tout de suite à la mémoire), et ce même érotisme est basé sur la réalisation mystique du chiffre 3 : trois rêveries et trois scènes érotiques…

La musique originale de Philippe Rombi suit les principes expressifs du minimalisme : thèmes à peine perceptibles apparaissent chaque fois qu’il est nécessaire de caractériser le personnage : Sarah Morton (Charlotte Rampling), Julie (Ludivine Sagnier) et même la piscine.

Les minuties servent plutôt à poser plus de questions qu’à éclaircir les choses. Ainsi est-il avec la petite naine vieille qui, apparaissant dans l’ouverture de la porte pour répondre aux questions de Sarah, se retire vite en claquant la porte une fois elle entend de la mère morte de Julie.

La piscine se fait voir comme un témoin muet (à observer les feuilles qui apparaissent et disparaissent sur la surface de l’eau), pourtant il est évident que rien ne se produirait sans elle. L’athéisme, marqué par la croix que Sarah enlève tout de suite après être entrée dans la chambre de la villa, se confirme dans le meurtre bizarre, commis de sang-froid.

Jean-Jacques Annaud, qui a abandonné la France pour travailler à Hollywood, aurait raison s’il appliquait sa critique à Ozon : « Quand les Américains font des films, ils le font pour le monde entier ; lorsque les Français font des films, ils le font pour Paris ». Quoique les films de François Ozon n’aient pas de prétention globale, ils développent la tradition continentale : études des mœurs, symbolisme mettant en relief chaque détail, et, évidemment, la musique, le jeu et les personnalités inimitables des acteurs, ce qui est maintenant de plus en plus négligé de l’autre côté de l’Océan.

5 April 2006. – Nizhny Novgorod (Russia)